Cet article traite des niveaux de preuve requis devant le tribunal pour prouver le maintien d’un chemin de l’atlas. Il explique les modifications législatives apportées par les décrets du 3 juin 2011 et du 6 février 2014, qui ont supprimé le caractère prescriptible des chemins vicinaux. Le décret de 2014 a abrogé la loi du 10 avril 1841 et le décret de 2011, et a introduit de nouvelles dispositions concernant les voiries communales.
La Cour de Cassation a rappelé que seule l’autorité judiciaire est habilitée à constater la suppression d’un chemin vicinal par prescription acquise avant le 1er septembre 2012. Les juges peuvent statuer sur les prescriptions extinctives de chemins vicinaux par non-usage trentenaire si ces prescriptions sont échues avant cette date. Le document aborde également la question de la preuve de l’absence de passage, même occasionnel, par le public. Il souligne que la preuve de non-utilisation pendant 30 ans avant le 1er septembre 2012 est difficile à établir et nécessite des preuves solides, telles que la présence d’une construction infranchissable sur le chemin pendant cette période.
Enfin, le document mentionne plusieurs décisions judiciaires et analyses doctrinales concernant la preuve de non-usage des chemins vicinaux, et conclut que la tâche est ardue pour établir qu’un chemin n’a pas été utilisé par le public pendant 30 ans avant le 1er septembre 2012.
Source : Chemin Faisant No 47 – décembre 2023
Le décret du 3 juin 2011 modifiant la loi du 10 avril 1841 et entré en vigueur le 1.9.2012 a supprimé le caractère prescriptible des chemins et sentiers vicinaux, sans préjudice des droits acquis antérieurement à son entrée en vigueur.
Quant au décret du 6.2.2014 qui a abrogé la loi du 10.4.1841 et le décret du 3.6.2011 , il prévoit (art 30)que « les voiries communales ne peuvent être supprimées par prescription ». L’article 60, § 1er, 3° du même décret mentionne comme punissables ceux qui suppriment une voirie sans l’accord préalable du conseil communal. Les suppressions par prescription ne sont pas exceptées et certains juges en avaient déduit que cette disposition s’applique aussi à eux.
Un arrêt de la Cour de Cassation du 27 mai 2021 a rappelé que seule l’autorité judiciaire est habilitée à constater la suppression d’un chemin vicinal par l’effet d’une prescription acquise avant le 1.9.2012 car l’autorité administrative (désormais compétente) ne pourrait pas constater la suppression d’une voirie communale par prescription puisqu’une telle suppression n’est plus possible depuis le 1.9.2012 et elle n’est compétente pour statuer sur la suppression d’une voirie communale que depuis le 1.4.2014 (auparavant c’était la Députation permanente).
La Cour en a dont déduit que les cours et tribunaux restent compétents pour statuer ad vitam aeternam sur les prescriptions extinctives de chemins et sentiers vicinaux par non-usage trentenaire si ces prescriptions sont échues avant le 1.9.2012. (Et ce en se basant sur les dispositions abrogées le 1.4.2014)
Toutefois la Cour n’a pas abordé la question de la compatibilité d’une telle décision prise sur base d’une action en justice enclenchée après le 1.4.2014 (date d’entrée en vigueur du décret du 6.2.2014) alors que la combinaison des articles 30 et 60, § 1er, 3° du décret du 6.2.2014 rend punissable à dater du 1.4.2014 toute suppression de voirie non validée par le conseil communal, que ce soit par prescription ou pour tout autre motif.
En conséquence, tout juge saisi après le 1.4.2014 d’une demande de constat de suppression d’une voirie vicinale par prescription échue avant le 1.9.2012 doit se saisir du dossier mais peut statuer par exemple en considérant qu’il a la conviction que telle voirie semble réunir les conditions en vigueur avant le 1.9.2012 pour être effectivement prescrite par non usage trentenaire au 1.9.2012 mais décider ne pouvoir prononcer ce constat de non usage trentenaire, afin de ne pas s’exposer aux disposition pénales des articles 30 et 60, §1er , 3° du décret du 6.2.2014 relatif à la voirie communale qui prohibent après le 1.4.2014 toute suppression de voirie sans l’accord préalable du conseil communal, que ce soit par prescription ou pour toute autre raison. En effet lesdits articles n’ont pas exempté de sanction pénale fondée sur ces articles (interdisant de prendre une décision qui aboutit à consacrer la suppression d’une voirie ex-vicinale devenue communale) le juge statuant sur des droits acquis antérieurement à l’entrée en application du décret du 3.6.2011 (abrogé par le décret du 6.2.2014) car il prend sa décision après le 1.4.2014.
Le décret du 3 juin 2011 visant à modifier la loi du 10.4.1841 sur les chemins vicinaux, entré en vigueur le 1.9.2012 , a supprimé le caractère prescriptible des chemins vicinaux sans préjudice toutefois des droits acquis antérieurement à son entrée en vigueur.
S’il est incontestable que le dit décret de 2011 a prévu cette clause relative aux droits acquis antérieurement à son entrée en vigueur (application du principe de non-rétroactivité des lois) , ce décret de 2011 et cette disposition restrictive très importantes ont été abrogés par le décret du 6.2.2014 comme la loi vicinale du 10.4.1841) qui a supprimé la notion même de voirie vicinale pour la fondre dans la voirie communale avec un statut nouveau où la voirie vicinale retrouve dans un statut unique nouveau les « voiries innomées » créées en dehors de son carcan.
Ce statut nouveau fait perdre à la voirie ex-vicinale tous ses attributs spécifiques y compris sa prescriptibilité applicable jusqu’au 1.9.2012.
Le décret du 6.2.2014 ne mentionne absolument pas que le principe de préservation des droits acquis antérieurement à l’entrée en vigueur du décret du 3.6.2011 se trouverait confirmé dans le décret du 6.2.2014 . Le commentaire de l’article 30 ne dit rien au sujet des droits acquis antérieurs. Au contraire, le commentaire de l’article 91 du décret du 6.2.2014 rappelle bien que la loi du 10.4.1841 est abrogée avec tous ses effets. La seule précaution prise par le décret du 6.2.2014 c’est de consigner dans le registre communal prévu par l’article 9, § 1er du décret les plans généraux d’alignement et de délimitation des anciens chemins vicinaux.
Cela signifie en réalité que ces plans de délimitation (car ce sont essentiellement des plans de délimitation) sont transférés dans le registre de la voirie communale dans leur situation du 1.4.2014 en tenant compte des décisions administratives et judiciaires prises depuis 1841.
Certes, cela ne préjuge pas de la capacité de quiconque à encore pouvoir s’adresser au juge après le 1.4.2014 pour demander qu’il constate le non usage trentenaire au 1.9.2012 de tel ou tel chemin ou sentier de l’atlas de 1841 mais le juge qui constate après le 1.4.2014 une suppression par non-usage trentenaire, outre qu’il n’est pas nécessairement à l’abri des dispositions pénales des articles 30 et 60 §1er , 3° du décret , modifie aussi par son constat une partie du contenu du registre de la voirie communale dont le décret assure pourtant que seul le Conseil communal (ou le Gouvernement sur recours) est habilité à le faire.
Ce qui était logique sur base du décret du 3.6.2011 et de la précaution prise par le législateur dans ce cadre ne l’est pas nécessairement après le décret du 6.2.2014 qui a abrogé la législation de 1841 et celle de 2011. En d’autres termes, la situation juridique qui prévalait du 1.9.2012 au 1.4.2014 n’est plus celle qui prévaut après cette date.
On rappellera aussi que la législation du 10.4.1841 constituait une exception au principe de l’imprescriptibilité du domaine public et que son abrogation a ramené toute la voirie communale (tant l’ancienne voirie vicinale que l’ancienne voirie innomée) dans le giron de l’imprescriptibilité consacrée par l’article 2226 du code civil et l’article 3.45 du code du droit des biens, Ces articles ne peuvent pas être plus négligés que l’article 2 du code civil (non-rétroactivité des lois).
Dans un article d’Ariane Salvé paru dans le Journal des juges de Paix du 31.8.2018 et qui commentait les décrets du 3.6.2011 et du 6.2.2014 on peut lire : « Le décret du 3 juin 2011, en ce qu’il modifie une règle de prescription civile, n’est pas applicable aux prescriptions acquises avant son entrée en vigueur ». Jusque-là pas de problème, mais certains avocats en déduisent :
« L’exigence de la preuve d’absence de tout passage, même occasionnel, par le public, doit être interprétée de façon raisonnable. »
Pour considérer que l’exigence de la preuve d’absence de tout passage même occasionnel par le public doit être interprétée de façon raisonnable, ces avocats se basent sur plusieurs décisions judiciaires prononcées par des juges de paix dont la plus citée est celle du juge de Paix de Wavre du 11.5.1995 ou de Tournai le 27.5.2008 Ces jugements s’écartent fondamentalement de la jurisprudence de la Cour de Cassation consacrée par le jugement du 13.1.1994 , celui du 28.10.2004 et d’autres dans la foulée.
Le jugement de Wavre ne fait pas la distinction entre un passage habituel et un passage occasionnel. Il se base aussi sur le refus de collaboration de la commune concernée qui estimait que c’était au prétendu possesseur uniquement à faire la preuve de l’absence de passage sans devoir fournir elle-même des preuves d’un passage au moins occasionnel.
Pour la Cour de Cassation, l’usage du public sur une voirie de l’atlas de 1841 ne suppose pas un passage fréquent du public : « Le jugement qui considère que, par usage du public d’un chemin, on entend le passage habituel du public et non des actes de passage accidentels et isolés restreint illégalement la notion d’usage public au sens de cette disposition » (Cass.13.1.1994,)
Il est évident que démontrer une « non-utilisation » pour un passage occasionnel et isolé relève de la preuve « quasi-diabolique » selon l’analyse de Mme Diane Déom (voir plus loin)
Plutôt que de se conformer à cette jurisprudence de la Cour suprême, certains avocats résument la jurisprudence applicable actuellement comme suit : « Les juridictions judiciaires compétentes se contentent alors de preuves dites « raisonnables » consistant à évaluer la pertinence des témoignages affirmant un passage au moins isolé d’une part et les témoignages affirmant une absence totale de passage d’autre part. »
Si les juridictions subalternes ne sont pas tenues de se conformer à la jurisprudence de la Cour Suprême, il faut s’inquiéter au moins d’une dilution de l’autorité de la chose jugée et d’un délitement de la mission de contrôle de l’application du droit qui incombe à la Cour de cassation.
Ces avocats ont en réalité bien compris que la tâche est ardue quand il faut établir qu’un chemin vicinal n’est plus utilisé par le public car cela équivaut à rapporter la preuve d’un fait négatif.
Ils se raccrochent alors à une autre jurisprudence de la Cour de Cassation qui considère que « la preuve d’un fait négatif est établie si la vraisemblance est démontrée et qu’une certitude suffisante pour adjuger ou rejeter une prétention se dégage ».
Ils collent ensuite la jurisprudence de certaines justices de paix qui considère que « cette exigence de la preuve de l’absence de tout passage, même occasionnel, par le public doit être interprétée de façon raisonnable. »
Quand une action est introduite après l’entrée en vigueur du livre 8 du Code civil, « La Preuve », (2021) il y a lieu de se référer aux degrés de preuve prévus dans ce code civil. Celui-ci ne parle pas de « preuve quasi-diabolique » (pas plus que l’ancien code) La preuve quasi-diabolique est celle qui est quasi impossible à fournir et qui peut conduire à un renversement de la charge de la preuve.
L’article 8.5 du Livre 8 du Code civil fixe comme règle générale la preuve certaine. Le commentaire de l’article précise : « La question du degré de preuve (standard of proof, beweismaß) n’est pas réglée par la loi actuellement. La Cour de cassation exige en règle une preuve certaine (Cass., 19 déc. 1963, Pas., 1964, I, p. 416 ; Cass., 3 mars 1978, Pas., 1978, I, p. 759). Il est toutefois admis par la doctrine unanime qu’il ne s’agit pas d’une certitude scientifique ou absolue. L’expression correcte du degré de preuve requis est donc “un degré raisonnable de certitude”, (W. VANDENBUSSCHE, Bewijs en onrechtmatige daad, Anvers, Intersentia, 2017, pp. 94 et s., n° 124 et s.). Cette expression est reprise à l’article 8.4 du nouveau Livre 8. Il ne s’agit donc pas d’une certitude à 100 % mais d’une conviction qui exclut tout doute raisonnable »
Le commentaire se poursuit ainsi : « Art. 8.6. Preuve par vraisemblance La jurisprudence admet une exception au principe de la preuve certaine pour les faits négatifs. L’allusion à la collaboration des parties à l’administration de la preuve a pour but d’insister sur cette phase préalable dans laquelle la partie adverse sera invitée à produire les éléments de preuve dont elle dispose (elle est mieux placée pour le faire). Le texte reprend la jurisprudence classique de la Cour de cassation, qui ne décharge pas la partie qui doit prouver le fait négatif mais, outre que la Cour n’exige pas une preuve certaine, deux éléments peuvent venir à son secours : la collaboration à la preuve de toutes les parties et la disposition finale de l’article 8.4, qui permet au juge de corriger les injustices flagrantes. La preuve par vraisemblance est étendue à certains faits positifs, qui ne peuvent matériellement pas être prouvés d’une manière certaine ou dont la preuve certaine est tellement difficile qu’on ne peut raisonnablement l’exiger d’une partie. Par exemple, la jurisprudence admet, en matière d’assurance contre le vol, que la preuve certaine d’un vol est impossible à rapporter. Le degré de preuve exigé de l’assuré est donc allégé. La formulation du texte est inspirée de la jurisprudence constante du Tribunal fédéral suisse (Tribunal fédéral [TF] 15 mars 2010, 4D_151/2009, nr. 4.2; TF 19 décembre 2006, 133 III 81, nr. 4.2.2; TF 29 janvier 2004, 130 III 321, nr. 3.2). Ne pas étendre l’allègement du degré de preuve admis pour les faits négatifs aux faits positifs impossibles à prouver avec certitude aurait créé une discrimination injustifiée. En réponse à la remarque du Conseil d’État, le terme “vraisemblable” a été maintenu, parce qu’il n’est pas de nature à créer de confusion. La loi distingue bien la preuve “certaine”, même s’il ne s’agit pas d’une certitude absolue, et “la preuve par vraisemblance”. Celle-ci correspond au concept de droit suisse de “vraisemblance prépondérante”, ce qui signifie qu’il existe des motifs sérieux qui confirment de manière objective l’exactitude des allégations de fait, sans que l’on ne doive parler d’une vraisemblance approchant de la certitude. (W. VANDENBUSSCHE, Bewijs en onrechtmatige daad, Anvers – Cambridge, Intersentia, 2017, p. 621, n° 724). Si on devait parler en pourcentage de certitude, on pourrait mentionner 75 %, c’est-à-dire qu’il existe des éléments sérieux dans le dossier qui accréditent les allégations et que les alternatives, bien que pas complètement impossibles, n’apparaissent pas vraisemblables. L’intitulé de l’article a toutefois été revu comme le demandait le Conseil d’État. »
Quelle que soit la terminologie qu’on accolera au degré de la preuve à fournir par le prétendu possesseur, la Cour de Cassation exige qu’il démontre que nul n’a été en mesure de circuler sur le chemin querellé pendant 30 ans avant le 1.9.2012.
A cet effet, il y lieu de se référer à l’analyse faite avec brio dans un article publié en 1995 à la suite de l’arrêt de cassation du 13.1.1994 par Mme Diane Deom mais qui garde toute son actualité. Celle-ci conclut que « l’enseignement de cet arrêt consiste donc à limiter la portée pratique de l’article 12 de la loi du 10.4.1841. S’il peut être relativement aisé de prouver la cessation du passage habituel depuis plus de 30 ans, par contre l’absence de tout acte de passage même occasionnels s’avère quasi diabolique » ; (D.Deom, Note sous Cass. 13.1.1994, Revue de droit communal 1995, p 63)
En d’autres termes, pour démontrer la cessation de tout acte de passage même occasionnel, il faut que le prétendu possesseur fasse la preuve que nul n’a été en mesure de passer même occasionnellement sur le tracé de l’atlas.
Le seul moyen efficace de fournir cette preuve de manière « vraisemblablement prépondérante » comme le veut le législateur désormais pour les faits négatifs, est de démontrer que l’on n’a pas pu passer. Le seul moyen généralement admis sans problème y compris par les défenseurs des chemins et sentiers tels que Chemins de Wallonie est la présence d’une construction suffisamment haute en travers d’un chemin depuis 30 ans avant le 1.9.2012. S’il n’y en a pas c’est une piste à abandonner par les accapareurs.
L’impraticabilité actuelle (boue ou broussailles) ou la présence de clôtures en travers d’un chemin ne sont pas des motifs suffisants pour démontrer une absence de passage pendant 30 ans avant le 1.9.2012 (arrêt de la Cour d’Appel de Liège du 19.11.2010 qui opposait la ville de Ciney (et son groupe sentier) à un propriétaire forestier.
Le propriétaire riverain du chemin avait été débouté en première instance où le juge avait dit pour droit « il ne prouve pas le non-usage pendant 30 ans ». En appel, le propriétaire riverain réitère ses demandes et y ajoute un point qui précise qu’il faut interpréter le problème de la charge de la preuve (de la disparition du chemin) « de manière raisonnable ».
La cour d’appel, dans son arrêt du 19.11.2010 estime pour sa part : « Le fait que le tronçon du chemin vicinal N° 17 qui traverse la propriété de l’appelant n’ait pas été entretenu et ait présenté pour partie un aspect de « bois » ne constitue pas la preuve de ce que ce tronçon n’a plus servi à l’usage public pendant 30 ans. Ce n’est pas l’état dans lequel se trouve le chemin vicinal qui fait preuve de son non-usage pendant 30 ans.
(…) De simples faits de passage occasionnels suffisent à conserver l’imprescriptibilité d’un chemin vicinal (Cass. 13.1.1994). L’appelant ne démontre pas que le chemin vicinal n’a jamais été emprunté occasionnellement durant 30 ans par le public. La décision entreprise doit être confirmée en ce qu’elle articule que l’appelant ne prouve pas le non-usage pendant 30 ans ».
L’appelant avait invoqué la nécessité d’une charge de la preuve raisonnable. La Cour a évité de lui répondre sur l’aspect théorique de cette preuve mais a précisé les manquements dans les éléments de preuve fournis, à savoir qu’il ne démontre pas que de simples faits occasionnels de passage pendant 30 ans n’auraient pas pu avoir lieu.
La Cour d’appel rejette aussi les attestations de complaisance produites par des clients du propriétaire forestier qui attestaient que nul n’y était passé. La Cour les estima « peu fiables, dès lors qu’elles émanent de ses clients ayant exploité ses bois et avec lesquels il a été en relation d’affaire ».
L’intérêt de cet arrêt du 19.11.2010 de la Cour d’appel de Liège (12ème Chambre, N° Répertoire 7591, 2009/RG/1279) est qu’il déboute l’appelant parce qu’il ne prouve pas le non-usage pendant 30 ans, ce qui revient bien suivre l’enseignement de la doctrine exprimée par Madame Diane Deom suite à l’arrêt de la Cour de Cassation du 13.1.1994.
A moins d’avoir placé des caméras pendant 30 ans sur le parcours avant le 1.9.2012(à une époque où même les caméras à gibier n’étaient pas répandues ) ou d’avoir organisé une surveillance 24h sur 24h pendant 30 ans entre le 1.9.1982 et le 31.8.2012, ou de démontrer qu’un obstacle infranchissable (construction, étang,) s’est trouvé sur le parcours de l’atlas pendant 30 ans avant le 1.9.2012, on ne voit pas quel argument les requérants pourraient invoquer pour démontrer que nul n’est passé occasionnellement sur un chemin ou sentier querellé de l’atlas de 1841 pendant 30 ans avant le 1.9.2012
L’arrêt de la Cour de Cassation du 15 novembre 2010 (C 10.0165. F/5) va plus loin et précise : « Il est contradictoire de décider que le sentier n’était plus emprunté tout en constatant qu’il l’était encore, fût-ce à titre privé, par les 2ème et 3ème défendeurs. En raison de cette contradiction le jugement attaqué n’est ni régulièrement motivé (violation de l’art 149 de la Constitution) ni légalement justifié (violation des articles 2226 du Code civil et 12 de la loi du 10.4.1841.)
Les actes de passage accidentels ou isolés peuvent, eussent-ils même un caractère privé, constituer un tel usage public.
Le jugement attaqué, en refusant d’avoir égard aux actes de passage effectués à titre privé par les 2ème et 3ème défendeurs et en admettant pour ce motif la prescription extinctive de l’ancienne assiette du sentier litigieux, restreint illégalement la notion d’usage public visée à l’article 12 de la loi du 10.4.1841 »
Cette jurisprudence signifie que les accapareurs s’exposent par le propre passage avant le 1.9.2012 sur l’assiette d’un chemin accaparé à fournir malgré eux la preuve involontaire (si quelqu’un les a photographié à cet endroit avant le 1.9.2012) de l’utilisation publique du chemin … En effet, lorsqu’ils se trouvent sur un chemin qui ne leur appartient pas mais dont l’assiette est communale, ils y circulent en vertu de leur appartenance au public et non en vertu de leur qualité de propriétaires de biens riverains. Il leur serait difficile de nier sous serment sans parjure le fait d’avoir circulé sur le tracé d’un tel chemin avant le 1.9.2012.
Le seul fait qu’ils ont circulé eux-mêmes à des fins privées sur le tracé du chemin suffit à en pérenniser l’existence juridique aux yeux de la jurisprudence de la Cour de Cassation.
C’est bien là le niveau d’exigence de la Cour de Cassation, laquelle a une mission de contrôle et de coordination de l’application du droit. Saisie par un pourvoi en cassation, elle apprécie la légalité des décisions des juges.
C’est en cela que la portée de sa jurisprudence diffère de celle des juges de paix qui ont statué à un autre niveau. La jurisprudence de la Cour de Cassation est une coordination de l’application du droit. A ce titre elle ne peut être négligée et il appartient aux requérants accapareurs de faire cette preuve que nul n’a été en mesure de circuler sur un tel chemin jusqu’au 31.8.2012.
A .Stassen