Les chemins et sentiers : un bien commun à protéger
Qu’on les emprunte pour une balade en nature ou pour se rendre d’un point A à un point B, les chemins et sentiers font partie de notre patrimoine commun. Ils sont indispensables à la mobilité douce, à l’accès à la nature… et tout simplement à notre liberté de circuler.Pourtant, certains propriétaires — voire locataires — tentent de dissuader le passage, invoquant leur tranquillité ou la crainte des incivilités.Mais poussons leur logique jusqu’au bout : faudrait-il alors supprimer toutes les routes et voiries sous prétexte qu’elles dérangent parfois ?
Non, bien sûr. Ces chemins sont un bien commun précieux, à respecter, mais aussi à préserver et à défendre collectivement
Lien vers le reportage et l’article de la RTBF
L’Enquête : discorde autour des chemins et sentiers accaparés, bloqués par des propriétaires, et ardemment défendus par des promeneurs – RTBF Actus
Ce reportage met en lumière la problématique croissante de l’accaparement et du blocage des chemins et sentiers publics par des propriétaires privés en Wallonie, situation qui suscite la colère et la mobilisation de nombreux promeneurs et associations citoyennes.
À Villers-la-Ville, commune emblématique de ce phénomène, plusieurs sentiers publics sont fermés par des grilles, branchages ou panneaux dissuasifs, souvent à l’initiative de riverains souhaitant préserver leur tranquillité. Ces fermetures provoquent des tensions entre défenseurs des sentiers, riverains et autorités communales. Les associations locales, telles que « Sentiers Libres de Villers-la-Ville », dénoncent le manque d’entretien et de réouverture de ces voies, affirmant qu’elles constituent un maillage essentiel pour la mobilité douce et la sécurité des usagers, notamment des enfants.
Les propriétaires concernés invoquent des problèmes de sécurité, de vols ou de déchets pour justifier ces fermetures, tandis que certains accusent la commune de favoritisme envers des propriétaires influents. Le bourgmestre de Villers-la-Ville réfute ces allégations, assurant que la commune entretient tous les chemins recensés officiellement, mais reconnaît que la gestion de ces voiries reste complexe.
Le phénomène n’est pas isolé : selon l’ASBL « Chemins de Wallonie », environ 4 600 kilomètres de chemins et sentiers sont aujourd’hui bloqués ou difficilement accessibles dans la région. L’association, qui traite chaque année des centaines de dossiers, souligne la difficulté juridique à faire reconnaître le caractère public d’un sentier, en raison d’un flou législatif et de l’obsolescence de l’Atlas des Voiries Vicinales, principal document de référence datant du XIXe siècle. Les procédures judiciaires sont longues, coûteuses et rarement engagées faute de moyens.
La problématique s’étend à d’autres communes, comme à Celles près de Tournai, où la réhabilitation de chemins piétons pour relier les villages suscite l’opposition d’agriculteurs et de riverains, inquiets pour leurs terres et leur tranquillité. Malgré la volonté des autorités de promouvoir la mobilité douce, le réseau piéton reste discontinu et peu valorisé par rapport aux autres modes de transport.
En complément: Accaparement des voiries communales et spoliation du patrimoine commun
L’accaparement des voiries communales par des propriétaires privés constitue une forme de spoliation du patrimoine commun. Les chemins et sentiers publics, souvent hérités d’un maillage ancien, sont des biens collectifs destinés à l’usage de tous. Leur fermeture ou leur appropriation privative porte atteinte à la liberté de circulation, à l’accès à la nature et au patrimoine, ainsi qu’à la cohésion sociale des territoires ruraux et périurbains.
Ce phénomène traduit un conflit entre deux droits fondamentaux : le droit de propriété privée et le droit du public à circuler librement. L’absence de mise à jour des documents officiels, comme l’Atlas des Voiries Vicinales, et la complexité des procédures juridiques favorisent l’ambiguïté et la multiplication des accaparements. La faiblesse des moyens de contrôle et de sanction des communes face à ces infractions aggrave la situation, laissant souvent les citoyens et associations seuls face à des propriétaires déterminés à défendre leur pré carré.
La spoliation du patrimoine commun par la fermeture des voiries publiques va à l’encontre des enjeux contemporains de mobilité douce, de préservation de l’environnement et d’accès équitable aux espaces naturels. Elle prive la collectivité d’un réseau structurant, essentiel pour les déplacements non motorisés, le tourisme vert et la qualité de vie. Face à cette situation, plusieurs associations réclament un renforcement des moyens juridiques et financiers pour les communes, une clarification des statuts des voiries et une actualisation des inventaires, afin de garantir la préservation et la réouverture du patrimoine commun au bénéfice de tous.
« Le droit de propriété par rapport au droit public de circuler. Ce sont deux droits fondamentaux. Tous les deux figurent dans la Constitution et sont un peu contradictoires puisque l’un essaye de freiner l’autre et inversement. »
Albert Stassen, président de l’ASBL Chemins de Wallonie